« Décrivez vous en 5 mots »

J'ai toujours détesté cette question. Comme si 5 pauvres mots pouvaient décrire la personnalité si complexe de quelqu'un. Dans les questionnaires de ce genre là, je ne sais jamais quoi répondre et je demande toujours à un ami ce qu'il pense de moi, ce qui n'est pas forcément la vérité.

Tout d'abord, je déteste qu'on m'appelle Olivia... Ça fait prénom de gros, enfin de mon point de vue, qui n'est bien sûr pas celui de mes parents. J'oblige tout le monde à m'appeler Liv, et gare à ceux qui ne respectent pas ce choix.
Mes parents sont riches, oh pas multimilliardaires bien sûr, mais assez pour m'assurer une vie confortable et m'inscrire dans des écoles réputées. Mais ne me prenez pas pour une petite fille à papa arrogante et prétentieuse pour autant : on m'a appris très jeune la valeur de l'argent, et qu'il ne fallait surtout pas se vanter d'en avoir, et je remercie mes parents pour ça. Voir des jeunes filles se prendre pour Miss Monde parce qu'elle ont plusieurs gros billets dans leur porte-monnaie me répugne.
Il y a aussi quelque chose qui me motive dans la vie, quelque chose qui me booste, qui me donne l'énergie pour vivre ma vie en couleurs : la danse. C'est beaucoup plus qu'une passion, je ne saurais pas décrire l'importance que ça prend dans ma vie, c'est... Ma raison de vivre. Je veux devenir danseuse étoile depuis mes six ans et je fais tout pour atteindre ce rêve. Notamment en ayant au moins deux heures trente de danse par jour, ce qui n'est pas rien. Je joue aussi de la guitare depuis mes dix ans, et j'adore ça ! C'est une seconde passion pour moi, et je ne pense pas me débrouiller trop mal dans ce domaine. J'aime chanter aussi, mais je n'ose pas le faire en public, je suis assez timide sur ce point là. Le seul moyen de m'entendre ? Pendant ma douche, ou dans ma chambre quand j'écoute de la musique.
J'adore les animaux, ils sont tellements mignons, avec leurs grands yeux qui vous regardent d'un air de dire "Je t'aime, adopte moi, je te rendrais heureux", ça me fait fondre. Mais comble du malheur, je suis allergique aux poils. Que la nature est mal faite ! J'aurais tellement aimé avoir un petit chien, ou un chat...
Il y a aussi une chose plutôt singulière chez moi. Je ne mange que les M&M's marrons. Non, ce n'est pas une histoire de couleur préférée, ou porte-bonheur, ou un goût préféré, c'est juste que dans ceux-là, il y a moins de colorants. Oui, c'est vrai que ça peut paraître idiot, mais j'aime bien, ça me différencie des autres.
Sinon, il y a bien sûr tous ces défauts et ces qualités qui font une personne. Moi, je ne crois pas qu'une personne est ceci ou cela. Je crois plutôt qu'elle est un mélange de tout, et que certaines facettes ressortent plus ou moins... Les miennes ? On pourra dire que je suis assez bavarde, allez deviner si c'est une qualité ou un défaut. Personnellement, je trouve ça plutôt mignon et cela prouve que je ne manque pas de conversation. Je ris aussi beaucoup, peut-être même un peu trop souvent, mais c'est ça, prendre la vie du bon côté, non ? Je suis aussi très flemmarde, et je ne m'en cache pas. Bosser en cours me demande donc beaucoup d'effort... Mes amis disent de moi que je suis assez distante aux premiers abords. En fait, j'ai plutôt du mal à accorder ma confiance aux gens, et à me "lâcher" complètement quand je ne les connais pas. Par contre, quand ils ont fait preuve de loyauté, je suis aussi très possessive. J'essaye pourtant de me calmer, mais c'est plus fort que moi, je suis plutôt du genre jalouse...

Eh bien voilà, après avoir fait le compte-rendu mental de ma personnalité, je suis toujours dans l'impossibilité de trouver quelque chose qui me convient. Bon, je cocherais donc les mots "Drôle" "Bagarreuse" "Romantique" "Modeste" "Extravertie". Comment ça, ça ne me convient pas du tout ?

Il faut toujours trier ses vieux papiers, sinon ils s'entassent et finissent par devenir une montagne de lettres, prospectus ou autres. Justement, je comptais trier mes vieilles lettres aujourd'hui.
Cartes d'anniversaires, de vacances, courriers échangés avec des membres de la famille. Éventuellement avec quelques amis, bref, rien de très folichon et tout à fait normal. Puis je tombe sur une lettre. Sur l'enveloppe ne figure que l'inscription 'Pour Olivia' et je peux reconnaître l'écriture de ma mère. C'est curieux, car je ne me rappelle plus du contenu, ni pourquoi ma mère me l'avait écrite. Je décide donc de l'ouvrir pour me rappeler ce qui y était inscrit.

« Ma très chère Olivia, mon enfant adorée,

Aujourd'hui est un grand jour pour toi : tu rentres à Yale, l'université dont tu as toujours rêvé et je dois dire que je ne t'ai rarement vu plus heureuse qu'aujourd'hui.
Je me rappelle encore le mal que tu m'as donné quand j'ai accouché de toi. Tu avais du mal à sortir, sûrement bien confortablement installée et au chaud dans mon ventre. Et puis tu as vu le jour et tu as crié. Alors ton existence est devenue bien réelle à nos yeux. Tu n'étais plus quelque chose caché sous de la peau, qu'on sent parfois bouger, non. Tu étais vraiment un petit être, faite de chair et d'os, prête à vivre et à grandir.
Tu as été notre unique fille pendant dix-sept ans, il est donc normal que nous t'ayons tout donné. Tu adorais notre maison à Syracuse, alors dès que tu as appris à marcher, tu te baladais partout, tu te cachais et nous faisait une peur bleue car on ne te retrouvais plus. Tu connaissais la maison mieux que nous, elle n'avait aucun secret. La petite fille dont tout le monde rêvait, c'était toi : souriante, aimante et très gentille. On ne pouvait pas rêver mieux. Tu allais souvent dans la rue voir "tes amis de l'école", ils t'adoraient, et c'était réciproque. Combien de fois sont-ils venus à la maison pour prendre le goûter avec toi ? Je ne les compte plus ! Vous faisiez des bêtises exprès pour nous embêter, ton père et moi.
C'est aussi à Syracuse que tu as découvert ta passion pour la danse classique, après être allé voir Casse-Noisette. Tu as voulu t'inscrire aux cours de danse dès cet instant. Je te revois dans le salon, tourbillonnant, faisant des pointes. Tu étais vraiment la plus heureuse du monde, et tu avais trouvé quelque chose qui rythmait ta vie, ce à quoi se raccrocher si rien n'allait plus.
Puis, peu après tes neuf ans, nous avions du déménager. J'avais trouvé un nouveau travail, bien mieux payé en plein New York. Ce fut dur pour nous tous. Quitter la ville de ton enfance, celle où tous tes amis vivaient, et pour nous, dire aurevoir à un pan de notre passé. Oui, nous avons tous pleuré, je ne sais pas si tu t'en rappelles. Ils étaient tous là pour te dire aurevoir : Luke, Oliver, Vanessa, Amy et Nikola. Pour te faire les derniers adieux, car ils savaient bien qu'ils ne te reverraient peut-être jamais. Je suis sûre qu'encore maintenant, tu te demandes s'ils se souviennent encore de toi. Tu espères qu'ils ne t'aient pas oubliés, pas vrai ?
Et puis tu as encore grandit. L'adolescence est arrivée, avec elle la période des amours. Je suis sûre que tu as eu plus de copains que ce que tu m'as raconté. Une aussi belle fille que toi ne peux qu'avoir du succès auprès des jeunes de ton âge. Peu après notre déménagement, tu me disais que tu aimerais Luke toute ta vie, et qu'aucun autre garçon ne pourrait te faire changer d'avis, et que tu lui avais promis que vous vous marierez quand vous serez adulte. Tu as tenu ta promesse deux ans, et puis tu as fini par l'oublier, en le gardant comme un souvenir au coin de ta mémoire.
Tes années lycée s'achevaient, et j'était de plus en plus fier de toi, et j'avais en même temps un peu peur que le temps ne passe trop vite.
Et puis nous avons adopté Embeth. Tu avais alors dix-sept ans, et je me rappelle exactement ce que tu m'as dit quand je t'en ai parlé. Tu m'as dit : « Mais maman, dix-sept ans, c'est trop vieux maintenant. J'ai toujours rêvé d'avoir une soeur, grande ou petite, mais c'était quand j'étais jeune. Comment veux-tu rattraper tout ce temps perdu ? Elle ne sera jamais une vraie soeur pour moi. On n'aura rien partagé ensemble, aucune chose qui puisse nous faire des souvenirs communs, et tu veux que je fasse comme si elle avait été toujours là ? Je ne pourrais jamais l'intégrer. Elle sera au pire une inconnue, au mieux une bonne amie. Mais jamais ma soeur. » Tu avais été très cruelle, je ne sais pas si tu t'en es rendue compte. Après tout, c'était peut-être la vérité, les liens ne se créent pas de la même façon quand on adopte quelqu'un alors qu'il est très jeune que quand il est presque un adulte. On s'était bien disputées sur ce sujet, je ne comprenais pas ta vision des choses. Et puis elle est quand même venue, je redoutais d'ailleurs votre rencontre, mais tu as été raisonnable et tu as fait ton possible pour être gentille avec elle. Tu fais l'indifférente maintenant, mais ma petite, je vois bien que ce n'est qu'une façade. Si tu n'étais pas aussi timide, je suis sûre que tu aimerais te comporter avec elle comme une amie, et j'ai l'impression qu'elle voudrait en faire de même. Allez, prends ton courage à deux mains, au lieu de faire le contraire de ce que tu as envie.
Ma très chère fille que j'aime de tout mon coeur, je te prierais de m'excuser pour cette longue lettre. Peut-être que tu ne la liras même pas et que tu la jetteras tout de suite à la poubelle, mais j'avais extrêmement envie de t'écrire tout ça. Profites bien de tes années à Yale, car ce seront les meilleures de ta vie !

Ta mère, qui t'aime fort. »

Je lus les dernières lignes de cette longue missive puis essuyai les larmes qui me brouillaient les yeux. Ça n'avait rien de triste, mais plutôt nostalgique. Ma maison à Syracuse me manquait parfois, et voir qu'en fait mon passé ne tenait que sur une feuille me faisait un effet étrange. Je me demandai pourquoi j'avais oublié le contenu de cette lettre, et qu'elle était réapparue à un moment où j'en avais le plus besoin. C'est vrai, il fallait que j'arrête de faire le contraire de ce que j'avais envie. Ça concernait Embeth, ma soeur, mais aussi beaucoup d'autres domaines. J'étais maintenant prête à prendre de nouvelles résolutions.

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